Marie Mathieu-Pruvost et Riad Haidar
Yann Piriou - Sophie Dotaro
Depuis la crise sanitaire inédite liée au COVID-19, les écoles de ParisTech ont multiplié les initiatives pour assurer la continuité pédagogique et adapter au mieux les cours pour un enseignement à distance. Témoignages croisés de :
Comment avez-vous géré la crise liée au COVID-19 vis-à-vis de l’enseignement à distance ?
MMP : Dès début mars, la Direction de l’Enseignement de l’Ecole des Ponts ParisTech s’est préparée à l’éventualité d’une fermeture d’établissement et a travaillé dans une logique de continuité pédagogique. Malgré le confinement, 85% des cours ont ainsi pu être assurés à distance grâce un travail exceptionnel réalisé par les enseignants, intervenants professionnels et responsables de modules pour assurer et adapter les cours. 100% des cours de langues ont été enseignés. En revanche, certains projets transversaux comme la semaine « Design » organisée avec des étudiants d’autres écoles ou certains TP d’expérimentations ont dû être annulés. Un suivi rapproché des élèves a été réalisé grâce à la mise en place du télétravail des équipes et l’organisation de binôme pour le personnel administratif. Tous les examens sont assurés en distanciel.
RH : SupOptique a anticipé l’impact de l’épidémie lors de la semaine précédant le confinement, en annulant les échanges d’étudiants européens du réseau ATHENS. Après le confinement, nous avons pu basculer la quasi-totalité de nos enseignements en distanciel sans interrompre le calendrier prévu, grâce aux outils existants et à leur adaptation par des équipes enseignantes et techniques motivées. Des activités telles que les TP ont pu être réalisées également via de l’analyse de données simulées, les cours de langues vivantes ont basculé en visioconférence, et les stages se sont massivement réorientés vers du télétravail. Tout ceci s’est décliné sur nos 3 sites : Paris-Saclay, Bordeaux et Saint-Etienne, avec même des opportunités de mutualisation de cours. Un suivi régulier des élèves est assuré par les différents responsables d’année qui s’assurent qu’il n’y a pas de décrochage et prennent en compte leurs éventuelles difficultés.
Quels principaux outils ont été utilisés ?
MMP : Un certain nombre d’outils ont été mis à la disposition des enseignants comme la solution de classe virtuelle Adobe Connect Meeting qui a permis d’organiser 37 salles de cours virtuelles en simultané. Les enseignants ont également la liberté de choisir d’autres options quand elles conviennent mieux à leurs enseignements et à leur pédagogie. Le S2iP (Service Innovation Ingénierie Pédagogique) a été une ressource précieuse pour former, assister les enseignants et faire de la veille. Deux ingénieurs pédagogiques assurent une hotline quotidienne, technique et pédagogique.
RH : Nous avons pu nous appuyer sur la plate-forme eCampus développée dans le cadre de l’Université Paris-Saclay. Grâce à la réactivité des équipes techniques et surtout des enseignants, les cours sont dispensés en ligne, en vidéoconférence. Certains enseignants ont choisi un cours asynchrone, sous la forme de présentations Powerpoint commentées ou de vidéos enregistrées, ponctuées de séances de questions-réponses en live après visionnage : en effet, les moments d’échange enseignants-élèves sont une priorité pédagogique.
Comment va se passer la prochaine rentrée ?
MMP : Compte tenu des mesures de distanciation, nous prévoyons une organisation des cours à la fois en présentiel et en distanciel pour la rentrée fin août, avec un roulement des élèves présents sur le campus. L’objectif sera de monter en qualité sur les enseignements dispensés en ligne. Les étudiants internationaux devant venir en échange pour le 1er semestre pourront le reporter au 2ème semestre. Ceux en double diplôme pourront suivre en distanciel tout ou partie des cours du 1er semestre, avec un accompagnement spécifique en fonction de l’évolution de la situation.
RH : La rentrée de septembre reste prévue à la date initiale. Les étudiants recrutés à l’international sont invités à suivre des cours de FLE dispensés par l’EPF-ESTP à Sceaux. Compte tenu des circonstances, le début des cours se fera à distance et évoluera selon les possibilités d’arrivée des étudiants (ouverture de frontières, visas…). La plus forte contrainte vient certainement de l’enseignement expérimental, qui constitue le coeur de notre formation et qu’il est difficile de dispenser en ligne, même si l’épisode du COVID nous a fait faire des progrès rapides !
Quels enseignements tirez-vous de cette crise ?
MMP : Je retiens notre capacité à nous mobiliser très vite pour pallier cette situation inédite et très anxiogène. L’agilité des établissements d’enseignement supérieur a vraiment été spectaculaire, comme l’a souligné Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Il y a également eu une vraie mobilisation de nos alumni pour venir en aide aux étudiants en difficulté financière ou à la recherche de stage, avec de nombreuses offres ou contacts proposés. Nous avons pu également mettre en oeuvre de nouvelles pratiques de cours ou de réunion à distance qui pourront être conservées quand elles s’avèrent plus performantes que le présentiel. L’idéal serait d’arriver à systématiser le « blended learning » pour combiner les deux modalités d’apprentissage : l’eLearning (apprentissage en ligne) et le présentiel (formation classique).
RH : Elle a permis de « mettre à l’épreuve » l’efficacité de l’ensemble de la chaîne pédagogique de l’École (corps professoral, structure administrative, structures représentatives des élèves), et l’utilité d’une structure « transverse » comme ParisTech qui a permis de mettre en place un partage des bonnes pratiques ainsi qu’un fonds de solidarité que chaque école n’aurait pas pu financer seule. Ensuite, au-delà des difficultés rencontrées sur de nombreux plans, je souhaite insister sur les opportunités d’accélérer la « transition pédagogique », avec la nécessité de repenser l’enseignement numérique ou hybride (y compris pour les cours expérimentaux), de revisiter nos possibilités d’interaction entre nos 3 sites ou de revoir nos fondamentaux quant à l’acquisition des compétences et l’évaluation associée, y compris pour les stages.