Heinz Troll - Office Européen des Brevets
Entretien avec Jacques Lewiner, Professeur et directeur scientifique honoraire à l’ESPCI Paris – PSL, ancien Doyen de l’Innovation et de l’Entrepreneuriat à l’Université PSL, sur l'origine et les forces du réseau ParisTech.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le contexte de l’association Grandes Écoles d’Ingénieurs de Paris, association précurseur de ParisTech, en 1991 ?
La création d’Erasmus par l’Europe à la fin des années 1980, a rendu possible les échanges d’étudiants entre établissements de l’enseignement supérieur. À cette période, j’étais directeur scientifique à l’ESPCI. Je reçois un appel du directeur d’une grande université britannique. Il me dit qu’il serait très intéressé pour envoyer ses étudiants dans notre école et recevoir nos étudiants dans son université dans le cadre d’Erasmus. Je lui réponds que c’est une très bonne idée ! Il me demande combien d’étudiants nous pensons leur envoyer chaque année. Un peu embêté, je lui retourne la question. Il me répond : « une centaine ». À l’époque, une promotion de l’ESPCI comptait 72 étudiants. Il était donc impossible d’envoyer une centaine d’étudiants à l’étranger chaque année. Assis à mon bureau, un peu perplexe, je me demande comment nous allons gérer cette affaire. J’appelle Jacques Levy, directeur de l’École des Mines de Paris. Je lui dis « j’ai un petit problème ». Il me répond « je crois savoir ce dont tu vas me parler car j’ai le même problème ». Nous avons réalisé que nos petites écoles aussi prestigieuses soient-elles, sont microscopiques à l’échelle des grandes universités étrangères. Nous appelons ensuite Jacques Lagardère, directeur de l’École des Ponts et des Chaussées pour discuter. C’est de cette façon qu’est née l’idée de « Grande Écoles d’Ingénieurs de Paris (GEI.P) », créé pour permettre à de grandes écoles d’ingénieurs françaises de mener une politique concertée notamment sur le plan international.
Quelle est l’origine du nom ParisTech ? Que devait-il signifier ?
Je n’étais pas très convaincu par le nom « GEI Paris ». Bien que je m’y fusse habitué, je trouvais qu’il n’était pas très vendeur. Nous avons donc réfléchi pour trouver un nom plus joli. Je trouvais que le nom MIT (Massachussetts Institute of Technology) fonctionnait très bien. Nous avons alors commencé par évoquer le nom suivant : « Paris Institute of Technology (PIT) » mais l’abrégé ne fonctionnait pas, il ne sonnait pas bien. En tâtonnant, ParisTech est venu. Je me suis précipité pour voir si la marque était déposée et, pour notre plus grand bonheur, cette marque était libre ! En 1999, ParisTech est ainsi né. Ce nom reflète au fond ce qu’est le réseau ParisTech. Les écoles étaient toutes plus ou moins à Paris. Il nous fallait un thème commun et Paris est en soi une marque exceptionnelle. Ce nom reflète aussi l’excellence et l’innovation avec la partie « tech ».
Quelles sont les forces du réseau ParisTech ?
L’union d’institutions complémentaires, très bonnes dans leurs domaines mais petites à l’échelle mondiale. Quand on regarde les grandes universités américaines, il y a de très puissants départements d’« electric engineering », de « mechanical engineering », de « computer sciences » et j’en passe. Dans ParisTech, on retrouve avec les grandes écoles membres l’équivalent de ces départements à un très haut niveau d’excellence.
Avec l’antenne de ParisTech en Asie ainsi que le renforcement des relations depuis de nombreuses années avec ses pays cibles comme la Chine, le Brésil, la Colombie, l’Argentine ou la Russie, ParisTech s‘est construit une assise particulièrement solide sur la scène internationale. Le recrutement coordonné d’étudiants internationaux permet à chaque école du réseau d’attirer chaque année des étudiants de très haut niveau, résultats qu’elles ne pourraient pas facilement atteindre seules. Chaque établissement du réseau croit à l’enseignement et à la recherche.
ParisTech aide au travail commun sur des sujets multidisciplinaires. Une chance car la science et la technologie sont de plus en plus multidisciplinaires. La combinaison de compétences très fortes dans des domaines spécialisés permet d’envisager des projets pluridisciplinaires indépendamment du fait que cela permet également de présenter, dans le cadre des échanges internationaux, un nombre d’étudiants comparable à ceux de grandes institutions partenaires. ParisTech offre la possibilité de mener des opérations en partenariat avec de très grandes institutions réputées dans leur pays.