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Date de publication : 25/01/2022
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En stage à l’Office européen des brevets – Interview croisée de Brice Tayama et Baptiste Borowczak

ParisTech a signé en 2021 un accord de partenariat avec l’Office européen des  brevets (OEB/EPO) et l’Office de l’Union européenne  pour la propriété intellectuelle (EUIPO) qui permet aux élèves et jeunes diplômés des  sept écoles du réseau de participer au Pan-European Seal Traineeship Professional Program, c’est-à-dire d’effectuer un stage d’un an dans l’un des deux Offices. Brice Tayama (AgroParisTech) et Baptiste Borowczak (Chimie ParisTech – PSL), sélectionnés dans la promotion 2021/2022 par l’OEB pour un stage de septembre 2021 à août 2022,  témoignent à mi-parcours de leur expérience alors que la campagne de candidature 2022/2023 est lancée.

 

  1. Pouvez-vous vous présenter ?

B.T. : Je m’appelle Brice Tayama. Je suis ingénieur d’AgroParisTech, diplômé en 2021. En dernière année, j’ai aussi fait le master Ingénierie de la santé (BME) avec les Arts et Métiers notamment. J’effectue mon stage au sein de la DG1 - 1118 - Sector Healthcare Biotechnology and Chemistry - Team Biological Material A de l’Office européen des brevets, complètement à distance depuis La Réunion où j’ai déménagé pour raisons personnelles car l’accès à l’Office est actuellement limité à cause du COVID-19.

B.B. : Je m’appelle Baptiste Borowczak. Je suis ingénieur de Chimie ParisTech, diplômé en 2021. J’ai suivi le parcours Matériaux en 2A, et j’ai fait mon premier semestre de 3A en Erasmus à l’Université Nova de Lisbonne. J’avais des cours en matériaux, en chimie et des cours de portugais. Mon stage de 2A avait été annulé à cause du COVID, donc j’avais fait un projet bibliographique pour le CEA sur la fabrication additive d’aciers. En 3A, j’ai fait un stage sur l’impression 3D polymères au Centre de recherche, développement, applications et technique de l'ouest (Cerdato) d’Arkema en Normandie. Je suis en stage à l’Office européen des brevets à la DG1 - 1102 - Sector Healthcare Biotechnology and Chemistry - Team Natural Polymers Products.

  1. Comment avez-vous connu le Pan-European Seal Traineeship Professional Program de l’Office européen des brevets ? Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce programme ?

B.T. : La Direction des relations internationales d’AgroParisTech nous a informés sur ce programme. Professionnellement, je souhaite travailler dans la recherche, soit faire une thèse, ou bien travailler dans la gestion de projets dans le secteur privé ou dans le domaine des investissements dans le secteur public. La propriété intellectuelle étant très valorisée dans les différents postes d’administration de la recherche, la proposition m’intéressait car ce stage me permettait a priori de découvrir beaucoup de nouvelles choses. L’activité fait penser au conseil car on examine des demandes de brevet très différentes.

B.B. : Par un mél de la Direction des relations internationales de Chimie ParisTech en février 2021. La proposition était intéressante car cela donne l’opportunité de découvrir le monde de la propriété intellectuelle et de vivre une expérience multiculturelle. Cela me permettait de préciser mon projet professionnel. 

  1. Comment s’est passé le processus de sélection ?

B.T. : J’ai déposé ma candidature sur le site de l’Office.  J’ai ensuite été contacté par l’unité Biological materials. Ce n’est pas l’unité dans laquelle j’avais postulé ; j’avais demandé un stage dans l’unité Medical devices. Mais pendant mon cursus ingénieur et mon master, j’ai acquis une double compétence en ingénierie tissulaire et en biomécanique ; j’ai beaucoup travaillé sur les cellules souches et la culture cellulaire en stage. Or l’unité Biological materials travaille sur les technologies cellulaires.

J’ai dû suivre des MOOC sur la propriété intellectuelle (qu’est-ce qu’un brevet ?, classification des inventions…), puis j’ai eu un entretien avec le chef d’unité et la responsable du programme à la direction des ressources humaines. Ils m’ont posé des questions sur les MOOC - il faut donc les faire sérieusement ! -, ainsi que sur mon projet professionnel, mon intérêt pour la propriété intellectuelle.

En fait il y avait un stage ouvert dans l’équipe, il était déjà attribué. Mais comme l’entretien s’est très bien passé, ils ont demandé à l’équipe s’ils étaient prêts à accueillir un second stagiaires. J’ai eu le résultat fin mai.

B.B. : J’ai d’abord rempli un formulaire de candidature en ligne, puis j’ai rédigé une lettre de motivation en anglais. J’avais contacté une connaissance travaillant à l’Office ; la personne m’avait dit qu’il ne fallait pas trop se dévaluer sur les langues. J’avais par exemple mis le niveau maximum en anglais car, même si mon anglais n’est pas impeccable, il me permet de m’exprimer et de travailler dans de bonnes conditions. J’ai aussi dit que je parlais un peu portugais, et allemand puisque j’en ai fait dans le secondaire et en prépa.

J’ai été recontacté début mai pour un entretien en visio avec une personne en charge du programme aux ressources humaines. Le représentant de l’unité dans laquelle j’étais candidat n’a pas pu participer à l’entretien. L’entretien s’est déroulé en anglais. Ils n’ont pas testé mon niveau en allemand. Il n’y avait pas vraiment de questions techniques. Mon interlocutrice voulait savoir ce que j’avais étudié, ce qui m’intéressait dans le stage, ce que j’en attendais, si je souhaitais apprendre l’allemand, quel secteur m’intéressait le plus, si le travail de laboratoire n’allait pas me manquer. L’entretien a duré environ 30 minutes.

Avant l’entretien j’avais contacté une ancienne stagiaire espagnole via un ancien élève de Chimie ParisTech qui travaille à l’Office. Et j’avais regardé les vidéos de témoignage des anciens stagiaires sur le site internet de l’Office pour voir quels arguments ils mettaient en avant.

Avant le début du stage, il fallait suivre deux MOOC (24 h au total). Ils l’ont annoncé une semaine avant l’entretien (!), donc je les ai faits avant celui-ci au cas où, et la personne m’a posé quelques questions à ce sujet. Après l’entretien, j’ai envoyé le certificat prouvant que je les avais bien suivis.

Pendant l’entretien, j’ai insisté sur les opportunités d’échange que j’avais eues pendant ma scolarité - l’échange Erasmus au Portugal, le programme Soliya qui est un programme d’échange virtuel international en anglais, la semaine ATHENS à Bucarest – et sur mon  stage en impression 3D, qui est une industrie très innovante en plein essor.

J’ai eu la réponse deux semaines après. Puis j’ai signé le contrat de stage et rempli le dossier, fourni les pièces administratives demandées.

  1. Qu’attendiez-vous de ce stage ?

B.T. : Je voulais apprendre beaucoup de choses sur la propriété intellectuelle. L’environnement multiculturel m’attirait aussi beaucoup car il y des stagiaires de plusieurs nationalités.

B.B. : Suite à mes stages, je n’avais pas forcément envie de faire de la recherche, mais j’aimais bien être au contact de la science. Je n’aime pas particulièrement le travail en laboratoire, donc le domaine des brevets semblait intéressant car il permet de rester au contact des nouveautés scientifiques sans pour autant manipuler. J’hésitais avec une thèse, mais mon projet professionnel était encore assez flou. Le stage à l’Office devait me permettre de le préciser.

Je me suis dit que si, au final, la propriété intellectuelle ne m’intéressait pas, cela serait quand même utile pour parler allemand car il y a beaucoup d’entreprises allemandes en chimie et que ce serait une expérience culturellement très riche. Et en recherche, c’est utile de connaître les brevets.

  1. Comment se passe le stage en période de COVID ?

B.T. : Je suis allé à Munich deux semaines en novembre pour rencontrer l’équipe, ce qui facilite ensuite les interactions. Tous les employés travaillent en deux ou trois langues. Mais les restrictions étant très fortes en Bavière depuis début décembre et le télétravail fortement encouragé à l’Office, il n’y avait pas d’intérêt pour moi à rester Munich puisque je ne pouvais pas sortir et rencontré les autres stagiaires. Je poursuis donc le stage en distanciel. Il y a des « cafés » en ligne avec les autres stagiaires, mais c’est difficile quand on n’est pas sur place. Je devrais retourner à Munich pour 3-4 semaines en avril, quand je rentrerai en métropole pour la remise des diplômes à AgroParisTech. L’indemnité de stage reste inchangée, même en cas de télétravail ; ce sont seulement les taxes qui sont différentes selon le pays de résidence.

B.B. : J’ai commencé le stage en distanciel et je suis arrivé à Munich fin janvier. Beaucoup de personnes sont en télétravail à l’Office, la cantine est fermée. Les stagiaires sont une exception : dans mon unité, j’ai le droit de venir tous les jours au bureau. L’Office m’a prêté un ordinateur portable, j’ai deux autres écrans dans mon bureau, ce qui permet de visualiser plus facilement la demande de brevet et les éléments avec lesquels on la compare.

Mon tuteur est Allemand ; il veut qu’on arrive à parler en allemand avant la fin de mon stage. La chef d’équipe est Belge, francophone. Et dans l’équipe, il y a 3 Français, 2 Italiens, 3 Allemands dont mon tuteur, 1 Scandinave et 1 Néerlandais vient de partir à la retraite. Il y a une autre stagiaire dans mon département, qui est Albanaise.

C’était difficile de trouver un logement à Munich. Mais un stagiaire quittait son appartement, il l’a écrit dans le groupe WhatsApp des stagiaires et j’ai sauté sur l’occasion. J’habite à 25 mn en vélo de l’Office.

Ici, je peux voir les autres stagiaires, des Espagnols, Italiens, Portugais, Autrichiens, Grecs… Les stagiaires organisent régulièrement des activités : des visites dans Munich et les villes des alentours, certains sont partis au ski etc.

  1. Que faites-vous dans le cadre de votre stage depuis la rentrée ?

B.T. : Le stage a débuté en septembre. J’ai suivi une formation de deux mois et demi sur la brevetabilité, des concepts, la méthodologie. En fait chaque examinateur a ses propres méthodes, mais dans leurs efforts pour les harmoniser, ils nous proposent une méthode générale. C’était assez intéressant.

Il y a aussi pendant toute l’année beaucoup de cours de langue. Les agents de l’Office travaillent en anglais, allemand, français. Il faut bien connaître deux des trois langues et on a 5 heures de cours par semaine et des exercices à faire pour la troisième.

L’Office propose aussi beaucoup de cours sur les soft skills. Plusieurs plates-formes de formation (LinkedIn, celle de l’Office…) proposent des centaines de cours, notamment en développement personnel (ex. comment travailler sur notre efficience dans le distanciel ?). En tant qu’ingénieur on connaît déjà les objectifs SMART, le travail en groupe, mais il y a une vraie valeur ajoutée notamment sur les formations interculturelles car les agents de l’Office ont l’habitude de travailler dans des environnements très variés. Actuellement je suis un cours sur l’animation en 3D.

Selon les tuteurs, on peut être autorisé à participer à des procédures orales qui ont toutes lieu en distanciel maintenant ; cette procédure a lieu quand le brevet n’est pas accordé et que le déposant doit amender le brevet ou conteste la décision.

Le cœur du stage est dédié à l’examen des brevets. Je suis tutorée par une examinatrice franco-allemande. Le tuteur reçoit des brevets à examiner et en délègue une partie au stagiaire. Je dois alors faire des recherches sur l’état de l’art. Je peux lui poser toutes les questions que je veux et on fait des débriefs très régulièrement.

Dans une journée type, je commence par lire et envoyer les méls, je participe aux réunions d’équipe, puis je fais des recherches et sur l’état de l’art et j’analyse des brevets. J’ai déjà examiné cinq brevets. Le rythme est soutenu pour les examinateurs, mais il n’y a aucun objectif de production pour les stagiaires. On a vraiment le temps d’apprendre. Tout se fait dans la bienveillance.

B.B. : Le stage a commencé mi-septembre. Pendant la première semaine, on a eu des présentations de l’Office pour que l’on se familiarise avec l’organisation et des réunions en ligne pour rencontrer les autres stagiaires. Cette année il y a environ 110-120 stagiaires ; il y en avait 60 l’an dernier. Le programme est assez récent et ils veulent augmenter le nombre de participants.

Ensuite, pendant un mois, en octobre, on a eu des cours en petits groupes sur les brevets et l’examen des brevets. C’était très interactif, on pouvait poser plein de questions. On avait le cours sous format pdf. On devait étudier une partie chaque matin, puis on devait répondre à des questions et faire des exercices en ligne. L’après-midi on revoyait le sujet avec un instructeur.

A partir de novembre, les cours d’allemand ont commencé. On a eu un test de niveau, puis ils ont organisé des groupes de 4-6 personnes. C’est vraiment bien : on parle beaucoup, mais on a aussi des points de grammaire et on apprend des choses sur la culture allemande. Je n’ai pas de cours d’anglais. Ceux qui ont déjà un niveau C1 en allemand peuvent prendre des cours de français.

J’ai aussi commencé à travailler avec mon tuteur sur de vraies demandes de brevets : il faut d’abord comprendre ce sur quoi porte le brevet, faire un état de l’art (des logiciels centralisent les brevets et les publications scientifiques), analyser la demande selon les critères de brevetabilité et rédiger un rapport d’analyse. Mon tuteur me conseille et progressivement je suis de plus en plus autonome.

On doit aussi suivre des formations managériales ; certaines sont obligatoires, d’autres facultatives (ex. personal effectiveness, faire un plan de développement pour se fixer des objectifs, communication non violente). On développe aussi nos soft skills au contact de l’équipe et des autres stagiaires.

  1. Comment ce stage s’inscrit-il dans votre projet professionnel ? Qu’est-ce qu’il vous apporte ?

B.T. : Le stage me permet d’apprendre à utiliser les outils de recherche de brevet, à naviguer dans la classification pour faire un état de l’art, cela peut être très puissant, cela me servira par la suite. Je continue aussi à développer mon esprit de synthèse. Il faut d’abord comprendre quel est l’objectif de l’invention, ce qu’ont voulu faire les inventeurs, l’étendue de l’invention, ce qui n’est pas dit dans le brevet.  Je suis devenu beaucoup plus rapide pour faire de la bibliographie.  

Pour la suite, je n’ai pas vraiment trouvé un sujet de thèse qui fait envie. Donc je vais d’abord finir mon stage en essayant d’examiner quelques brevets pour l’unité Medical devices où je voulais aller initialement et aussi de travailler un peu au service des relations internationales. Mon chef d’unité et ma coach ont accepté. Cela me permettra de varier les sujets vus pendant le stage et m’aidera peut-être à obtenir un poste de VIA en ambassade dans un service de coopération universitaire et scientifique.

B.B. : Après ces quelques mois de stage, j’aimerais continuer à travailler à l’Office, mais ils recrutent peu de personnes et cela dépend des années même s’il y a beaucoup de départs à la retraite. Sinon, je rentrerai en France et je suivrai une formation au CEIPI à Strasbourg pour devenir ingénieur brevet.

Le stage me plaît car j’apprends à connaître le monde de la propriété intellectuelle, à examiner les brevets, à utiliser les outils pour le faire. C’est vraiment intéressant car je peux améliorer mon allemand puisque c’est une des langues de travail de l’Office et j’ai l’occasion de découvrir plein d’inventions dans différents domaines de la chimie. En recherche, on approfondit un sujet alors que là, on change beaucoup de sujet, on ne s’ennuie pas.

  1. Que diriez-vous à des élèves des écoles de ParisTech qui hésitent à postuler cette année ?

B.T. : J’aurais bien aimé faire ce stage pendant l’année de césure car cela permet de voir plein de sujets différents avant de se spécialiser pendant la dernière année d’école. Cela ne coûte rien de postuler d’autant que les MOOC que l’on doit suivre dans le cadre du processus sont vraiment intéressants et qu’on a alors encore quelques semaines pour accepter l’offre de stage si on est sélectionné.

L’ambiance est vraiment bonne, les tuteurs sont très bienveillants, aussi pour nous aider lors de l’arrivée à Munich. Donc il ne faut vraiment pas hésiter à postuler. Tous les tuteurs sont volontaires, sont souvent très bons et ont l’habitude de coacher de nouveaux examinateurs.

Les autres stagiaires ont tous un niveau ingénieur, master. Ils viennent de grandes universités comme Politecnico Milano ou la Ludwig-Maximilian-Universität de Munich etc. Ils ont été sélectionnés par leurs établissements, ils sont très motivés. Et le stage est aussi une bonne opportunité pour faire connaître sa propre école auprès des agents de l’Office.

B.B. : Le télétravail n’est pas un problème car c’est bien organisé. On utilise Teams ; il y a des pauses café organisées en distanciel pour échanger de manière plus informelle ; c’est très chaleureux malgré l’éloignement géographique. Je connaissais l’équipe avant d’arriver à Munich car je participais aux réunions à distance.

Lors de l’entretien, il ne faut pas hésiter à insister sur la volonté de découvrir la propriété intellectuelle, de vivre une expérience multiculturelle (ils y sont attentifs), de découvrir le travail dans une organisation internationale et d’être au contact de l’innovation.

C’est utile de regarder les témoignages vidéo sur le site de l’Office, de soigner sa lettre de motivation. Et je suis prêt à répondre aux questions si des élèves des écoles de ParisTech veulent me contacter.

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